Sur les pressants appels de son ami Roderick Usher, le vieil Allan se rend, avec bien des difficultés au lugubre et isolé manoir de ce dernier, englué dans les fondrières et les tourbières alentours où personne du village voisin n'ose plus s'aventurer, l'endroit étant considéré comme sinistre, voire hanté et maudit. Sur place, Allan découvre un être exalté, intensément perturbé qui s'est attelé à faire le portrait de son épouse, lady Madeline, une jeune femme visiblement épuisée, voire malade, constamment en observation et attention d'un médecin présent en permanence. Au fur et à mesure de l'avancement du tableau, il semble que le féminin modèle dépérit de plus en plus, comme si ses forces vitales et son énergie psychique et corporelle étaient insufflées à la peinture qui semble insidieusement prendre vie et réalité. Effectivement, peu de temps après, Madeline s'effondre, morte. Pour l'inhumation de la défunte, dans la crypte située dans le vaste parc de la propriété, Roderick Usher refuse véhémentement que le cercueil soit cloué, persuadé que son épouse n'est que profondément endormie...
Recherches esthétiques au niveau du décor, de l'image, des mouvements de caméra, ce film est un chef-d'oeuvre absolu. Et quelle surprise d'y découvrir un Jean Debucourt jeune et séduisant qui fut par la suite un grand acteur de composition.
AXEL.
Traditionnellement "vendu" comme l’un des chefs-d’œuvre du cinéma muet fantastique français, "La chute de la maison Usher" est pour tout dire, un chef-d’œuvre tout court. L’impression d’être face à un monument de trouvailles et d’expérimentations est constante. C’est d’ailleurs dans ce film qu’Epstein a poussé le plus loin l’expérimentation. Montage dont le dynamisme se plie au besoin (prenons l’alternance ultra rapide des images lors du morceau interprété à la guitare par Roderick Usher - joué par un Debucourt dont j'ai toujours trouvé la ressemblance avec Baudelaire frappante), travellings au sol, utilisation d’images ralenties, accélérées, floues, sur-imprimées… Le film est complètement plongé dans un onirisme fantastique (après tout, il est inspiré de la nouvelle de Poe) et morbide dont il faut rapprocher le "Vampyr" de Dreyer. La séquence la plus mémorable est sans aucun doute celle de la procession funéraire. C’est un morceau de bravoure, l’aboutissement d’années de recherches formelles, plein d’images qui restent pour sûr dans la tête du cinéphile. Epstein est à l’avant de l’avant-garde au même titre qu’un Abel Gance. C’est tout bonnement sublime.EF