Trente trois ans, d'une blondeur oxygénée à faire pâlir les champs de blé génétiquement modifié, la pulpeuse Angie, efficace agent recruteur pour la Coreforce, une officine de travail temporaire, débusquant dans les pays de l'Est les candidats au mirage économique britannique, vient de se faire (mal)proprement licencier pour avoir lancé, dans un bar polonais, son verre de bière à la figure d'un des responsables du groupe, enclin à de machistes privautés. Tout juste le temps de revenir à Londres et d'ajuster sa tenue de fonceuse, cuir et sourire en façade, qu'elle est déjà à proposer à sa colocataire Rose d'ouvrir, avec sa collaboration, leur propre agence de recrutement. Se déplaçant surtout en moto, prospectant essentiellement dans les entreprises de travaux publics, avec comme lieu de rendez-vous l'arrière-cour d'un pub de banlieue et comme clients, les nombreux émigrés traînant en groupe leur désoeuvrement et leur attente, Angie commence, dans une parfaite illégalité, à placer du "personnel" intérimaire sur de discrets chantiers de la capitale, ne répugnant pas à l'occasion la main d'oeuvre, un temps prohibée, des travailleurs clandestins. Au bout de trois mois, l'affaire devient quelque peu rentable, jusqu'au jour où les "employeurs" refusent de payer le moindre shilling permettant de verser un quelconque salaire aux pauvres hères doublement exploités. Mais quand on s'affiche louve impitoyable parmi la horde farouche des prédateurs qui hantent et spolient le "second" marché du travail, il faut s'attendre à de sanglants retours de bâton et de douloureuses et définitives séparations. Angie va l'apprendre, un peu tard, à ses dépens .....
18/20 : Réservé à ceux et celles encore assez solides pour affronter la réalité à peine anticipée du monde de demain, cette loi de la jungle indispensable pour décrocher un max de sous sur le marché du travail pour l'instant encore "parallèle"... Un genre de fiction-documentaire. Angie, une blonde recruteuse sur son cheval de fer (elle ne fait pas dans la dentelle, je comprends qu'elle puisse rebuter avec sa moue de fille facile et son franc-parler. Un caractère s'affinant jusqu'à devenir enfin touchante, et même acquérir une certaine "classe" à la fin. Soit, par rapport au précédent "Le vent se lève", on peut se sentir floué, à cent lieues de la distraction qu'on recherche au cinéma, cet art censé tenir à distance du quotidien (et, pourquoi pas, se dire que "chacun chez soi, les vaches..." et autres fadaises). L'élément modérateur sur lequel se rabattre, c'est Rose, elle se fâche quand sa copine, prise en étau entre tous ces intermédiaires, va trop loin... Très bien maîtrisé d'un bout à l'autre et sans orienter non plus vers le Charity Business à tout crin (fin ouverte). A elles deux, ces jeunes femmes incarnent des tendances de débrouille féminine qu'on retrouve souvent dans le milieu de la prostitution : aguicheuses, attendries, rouées, rapaces... La survie les motive. Défilent, mais jamais de façon appuyée, quelques exemples de cette pauvreté des immigrés qui terrifie : on peut s'en détourner (très tendance)! Mais que ce soit à l'intention de la Grande-Bretagne ou de ses voisins, Ken Loach tape courageusement là où ça fait mal et moi ça me fait grand bien ! L.Ventriloque