Saul Ausländer, Juif d'origine hongroise, fait partie d'un "Sonderkommando" du camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau, ces unités de prisonniers valides qui sont chargés de conduire les déportés vers les chambres à gaz, d'en évacuer les cadavres et de nettoyer ces lieux de souffrance de toutes traces humaines pouvant faire mentir la fallacieuse dénomination de douches sans cesse proférée aux nouveaux arrivants, débarqués d'incessants convois ferroviaires. C'est lors de l'ouverture d'une chambre, que Saul croit reconnaître parmi les nombreuses victimes, son fils ayant survécu au mortel Zyklon B, et qu'un gradé allemand achèvera sans état d'âme, exigeant d'un médecin présent, une prompte autopsie afin de déterminer d'éventuelles causes physiologiques à cette incompréhensible survie. Pour Saul, désormais rien ne comptera plus que de donner à l'enfant une inhumation traditionnelle avec la présence d'un rabbin et ses immanquables prières rituelles, une sorte d'irrépressible devoir moral pour un reste d'humanité et de dignité, par-delà les horreurs traversées...
Finalement, il importe peu que le petit garçon soit effectivement le fils de Saul ou seulement une représentation symbolique de la descendance du peuple juif, sachant que dans la Bible, Saul est considéré comme le premier roi des Israélites en terre d’Israël. Je suis persuadée que l’obsessionnelle volonté d’enterrer l’enfant selon le rituel traditionnel de son peuple et de sa religion, réfère à un profond mouvement cathartique permettant une sorte d’échappatoire symbolique de l’enfer du camp de concentration. Cette permanente et perturbante immersion dans l’innommable que le cinéaste impose au spectateur durant l’ensemble de la projection, dénuée de tout voyeurisme, provoque un puissant choc émotionnel et moral, d’une rare intensité. -VELO- P.M.