Au siècle dernier, en Nouvelle-Zélande, une jeune femme, prénommée Ada, souffrant d'un mutisme traumatique et accompagnée de sa pétulante fille Flora, débarque dans le verdoyant "bush" pour se marier avec Stewart qu'elle ne connait que par courrier. Parmi ses bagages, un piano fort encombrant qui va être échangé par l'époux contre des terres, auprès de son voisin, Georges Baines, un être fruste et inculte. Ce dernier proposera un étrange marché à la jeune femme qui aimerait récupérer son bien...
>>> Un éblouissant chef-d'oeuvre !
Bibliographie
- Fiche de Monsieur Cinéma
- Saison Cinématographique 1993
- La revue du Cinéma numéros MdC 6-MdC 8
- Première numéro 195
- Studio numéros 74-75
- Positif numéros 387-388
- Positif H.S. mai 2007
- Cahiers du Cinéma numéros 467-470
- Télérama numéros 2262-2345-2265
- Télérama H.S. mai 1994
- Inrock novembre 1995
- L'Express cahiers 27/1994
Critiques (Public)
Ce film est à mon sens un bon film quand il en appelle aux sens et à l'imagination du téléspectateur, il touche ainsi à son émotion et lui laisse une palette élargie d'interprétations personnelles de l'histoire qu'il retrace. Dans "Une leçon de piano", le spectateur demeure dans l'ignorance du passé des personnages : Pourquoi Ada a-t-elle subitement perdu la parole ? Pourquoi est-elle mariée à un homme qu'elle n'a jamais vu ? Qui est le père de sa fille ? Un grand artiste parti tenter sa chance en Europe ? Qui sont vraiment Georges Baines et Stewart ?... On comprend qu'à l'époque coincée dite Victorienne, le consentement d'une jeune mariée était inutile et que le prétendant était choisi selon sa situation sociale. Visiblement, Ada a volontairement ou après un traumatisme inconnu substitué la parole à la musique dans laquelle elle a trouvé dans sa première enfance un moyen d'expression beaucoup plus riche et adapté à son caractère pulsionnel et passionné. Cette substitution provoque une relation symbiotique fascinante entre l'instrument et la jeune femme. Sa relation avec les autres, passant par la musique, en est profondément modifiée : Ada a perçu instinctivement et inconsciemment un monde sensitif que Baines va percevoir et canalisera vers une relation amoureuse passionnelle. Dès lors, Ada trouve un moyen d'expression correspondant à sa fougue qui fait d'elle une femme achevée. Ce bouleversement va provoquer à terme la rupture du lien quasi organique entre Ada et son piano, symbiose qui connait son expression la plus intense par le parallélisme de la touche qu'Ada ampute à l'instrument afin d'y inscrire son amour et son propre doigt que Stewart coupe dans une crise de jalousie passionnelle. Soulignons enfin la relation extraordinaire d'Ada avec sa fille, Flora. Harmonie brisée par la relation entre Ada et Baines que l'enfant avait pourtant découverte et tenue secrète. A partir du moment où Ada décide de ne plus faire confiance à sa fille, celle-ci choisit l'homme qu'Ada repousse : Stewart. Elle l'accepte comme père et trahit finalement sa mère pour lui. Une trahison en vaut bien une autre, mais cette dernière s'achève dans le drame. Heureusement, tout se termine pour le mieux. Ada renonce au silence et à son piano qui a failli l'entraîner dans son trépas. Bref, un film exceptionnel, magnifique, sublime, que dis-je... bien plus encore. MILAN
"La leçon de piano" éloge du désir et de l’amour physique, découvert sur une terre pluvieuse, déroule dans une partition extrêmement lente, l’éveil d’une sensualité obtenue dans un premier temps de manière presque primaire.
Le site austère et venteux interdit toute approche affectueuse. La faune imprévisible et décalée n’incite pas au positionnement amoureux, mais plutôt à l’extériorisation de corps préférant éprouver que de se confier.
L’œuvre est difficile, mais valide de manière intensive une conduite amoureuse libre et consentante, prenant le pouvoir sur la rudesse inévitable partenaire d’un site abandonné de toute approche affectueuse et poétique.
La femme privée de gestes tendres, à l’image d’une faune continuellement ballotée par les vents, glisse lentement vers le plaisir physique tout en luttant contre les éléments.
La parole est rare, le geste la remplace dans des attaques désordonnées, mollement parées par des esprits en manque de sensations et d’attouchements, préférant s’abandonner au plaisir corporel.
La solitude glanée dans une union imposée, entrepose et déchaine une accumulation de manques à combler, sans tenir compte d’une éthique n’ayant plus pied en un lieu où chaque pas est validé selon le bon vouloir de la boue.
Avec de telles constatations, un épiderme libéré s’exprime à la place de mots oubliés imprononçables sur une terre délestée de dialectique amoureuse.
JIPI