Des fleurs qui annoncent le printemps de Prague...
Marie 1 (la blonde) et Marie 2 (la brune) s'ennuient fermement et décident de mettre leur grain de sel déstabilisant dans un monde qu'elle juge définitivement impossible, en y insufflant leur dose de folie, pimentée d'une saine perversion iconoclaste. Leur impertinente occupation favorite consiste à se faire inviter au restaurant, sous de variés et variables pseudonymes (Jarmilla, Georgette, Marie, Marcelle, Juliette) par des hommes d'âge mûr (les viocs) et de leur montrer un fallacieux intérêt sentimental pour ensuite, à chaque fois, repues, les laisser en rade sur le quai de la gare. Semant perturbations et troubles dans les lieux publics, nos demoiselles se lancent dans d'incroyables happenings gastronomiques et polymorphes, où les mots d'ordre principaux et récurrents sont la nourriture et la destruction...
>>> Il serait parfaitement vain de vouloir résumer ce film largement a-narratif qui foisonne d'éléments irrationnels et hautement absurdes. C'est avec une profusion débordante et outrancièrement hyperbolique, usant de tous les éléments stylistiques disponibles (juxtaposition, collage, accumulation, déstructuration, animation, coloration, saturation) que Vera Chytilova enfièvre son ballet délirant, avec une effarante maîtrise, frisant parfois l'excès surnuméraire et la surcharge démonstrative. Passant du coq à l'âne, du noir et blanc à la couleur, avec toujours cet invisible fil conducteur d'une radicalité dévastatrice, entre intuitive provocation et mauvais goût assumé, la réalisatrice fait penser aux heures glorieuses d'un dadaïsme triomphant, aux plus facétieux courts métrages d'une Agnès Varda slave, aux souriants pataquès de quelques Zazie désormais praguoises. Un étonnant patchwork visuel, surprenant, intelligent, fort justement primée par le Grand Prix du festival de Bergame (1967)...
© Cinéfiches.com (Jean-Claude Fischer)
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