Fin du 19ème siècle, et plus précisément à partir de l'année 1877, le clan des samouraïs Satsuma organise une spectaculaire rébellion contre l'armée impériale japonaise, mettant à feu et à sang une partie du pays. C'est dans ce contexte guerrier que nous suivons les pérégrinations d'une prostituée prénommée Oyuki, de son amie Okin et de quelques notables de la région, tentant de fuir, à bord d'une carriole faisant office de diligence, la zone de combat. La présence des deux jeunes femmes provoque mépris et réprobation de la part des autres passagers ulcérés de ce vil voisinage. Ce qui ne les empêchera pas, ultérieurement d'accepter sans broncher, le partage de quelques boulettes de riz offertes par nos deux charitables "réprouvées". Lorsque le petit groupe de fuyards est arrêté par un détachement de l'armée impériale conduit par l'officier Shingo Asakura et que ce dernier exige qu'une jeune passagère passe la nuit avec lui, c'est encore une fois Oyuki qui va se proposer pour la remplacer. Ce qui va d'ailleurs mettre en place d'étranges liens de proximité et de séduction entre cette dernière et l'inflexible militaire qui s'estomperont (provisoirement) au petit matin, après un impératif ordre de repli général de l'ensemble de l'escouade. Et ce sera avec la même odieuse impudence et la même morgue hautaine que la petite engeance de rescapés refusera aux deux femmes l'accès au ferry, préférant les laisser à quai, à leur triste sort.

>>> Même si la copie DVD est partiellement abîmée et tronquée de plusieurs scènes (encore) présentes dans la version "film" (res)sortie en salles dans l'hexagone en octobre 1993, ce serait une profonde erreur de faire une impasse sur cette production étonnante, prémices des futurs chefs-d'oeuvre en gestation de Kenji Mizoguchi, qui subjugue le spectateur par l'intensité des rapports de force entre les principaux protagonistes (sociaux, amoureux, militaires, moraux) et ne cesse d'intriguer par certaines soutenues connotations judéo-chrétiennes, pas seulement dans l'(am)moralité comportementale des protagonistes mais aussi par d'explicites références imagées ou verbales qui pourraient parfois même sembler anachroniques...
© Cinéfiches.com (Jean-Claude Fischer)