Important homme d'affaires dans le milieu bancaire, Arthur Hamilton reçoit d'un inconnu, en se rendant à son domicile, via la gare du Grand Central de New York, un mystérieux bout de papier avec la sibylline mention d'une adresse où selon toute évidence, il est invité à se rendre. Après un habituel trajet ferroviaire, il se retrouve à Scarsdale, son faubourg de résidence où l'attend son épouse Emily. Dans la soirée, il reçoit à nouveau un mystérieux appel téléphonique de son ami Charlie qu'il croyait depuis longtemps décédé et qui lui enjoint de se rendre, sous le pseudonyme de Wilson, au rendez-vous mentionné sur le billet, avec l'insistante et folle promesse de pouvoir vivre, comme lui désormais, une nouvelle existence. Le lendemain, finalement ragaillardi et bien décidé, il se présente au lieu indiqué où on lui explique qu'après un complet et radical changement d'apparence, suite à une complexe opération de chirurgie, il prendra une nouvelle physionomie, pouvant vivre une autre vie, après quelques subalternes formalités légataires et endosser la personnalité d'un artiste peintre, un intime souhait depuis sa lointaine adolescence. Sa disparition sera parfaitement agencée, dans le fortuit incendie d'un hôtel, avec la présence opportune d'un cadavre lui ressemblant trait pour trait. C'est sous le nom d'Antiochus (Tony) Wilson qu'il se retrouve maintenant à Malibu, propriétaire d'une superbe villa en bord de mer, avec un dévoué serviteur, prénommé John, à ses côtés. Menant tout d'abord une existence recluse, le temps de se faire à son nouveau destin, il finit par faire connaissance sur la plage de Nora Marcus, une ravissante créature dont il s'éprend de toute évidence et qui l'invite à une exubérante fête vinicole sous l'égide de folles bacchanales complices. Quelques semaines plus tard, il fera enfin la rencontre de ses voisins de villégiature qui vont peu à peu se révéler être tous de la "même famille", ceux qui comme lui ont changé d'apparence et de personne. Mais peu à peu une sourde insatisfaction l'étreint et le malmène de plus en plus régulièrement, l'incitant à se rendre à son ancien domicile où vit toujours son épouse, mais aussi suscitant bien des interrogations conflictuelles quant à sa personnalité actuelle, mais aussi passée...
>>> Malgré un incompréhensible accueil fort mitigé au Festival de Cannes 1966, cette étonnante oeuvre de John Frankenheimer, qui suinte les craintes et les doutes de l'époque et lorgne en clin d'oeil du côté de Franz Kafka, a repris depuis de l'assurance et de l'estime dans l'appréciation cinéphilique qui se dégage et se propage vers une évidente réhabilitation critique et publique entièrement justifiée. D'une puissante noirceur autophage qui secrète et alimente sa propre pérennité, l'existence de cette société parallèle avec ses propres structures hiérarchiques et ses codes particuliers d'existence et de maintenance, plonge le film dans un maelstrom d'interrogations paranoïaques, voire liberticides qui ravit et perturbe durablement. Une étonnante production cinématographique que nous avions négligé lors de sa sortie dans l'hexagone en 1967 et que nous pûmes enfin visionnée au 42e Festival International du Film de La Rochelle (2014) avec la judicieuse présence du distributeur actuel...
© Cinéfiches.com (Jean-Claude Fischer)
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