Kyoto, 1936. Deux soeurs exerçant le métier de geisha, dans le fréquenté quartier réservé de la grande cité de l'île de Honshu, ont des visions diamétralement opposées quant à leurs relations avec les clients. Alors qu'Omocha la cadette manifeste un profond mépris pour la gent masculine, sa soeur aînée, prénommée Umekichi, se sent pleine de déférence et de respect pour ses habitués, en particulier pour le brave Shimbei Furusawa, un notable drapier, aujourd'hui ruiné, qui lui a permis de devenir une prostituée indépendante en rachetant sa dette. Alors que l'épouse de ce dernier retourne à son village natal, Furusawa s'installe chez les deux soeurs à Shimokiya au grand dam d'Omocha qui tentera par tous les moyens de le faire déguerpir. Toujours aussi arrogante et sans scrupule, elle joue avec le sentiment amoureux du commis Kimura, afin d'obtenir gratuitement un kimono d'automne pour sa frangine, désireuse de participer à la grande parade, afin de trouver enfin un protecteur. Elle n'hésitera pas à faire croire au naïf brocanteur Jurakudo, vendeur d'estampes, qu'Umekichi se sentirait bien des faiblesses pour lui. Une occasion de le gruger d'une centaine de yens destinés à "payer" le départ de Furusawa. Et lorsque Kudo le patron du stupide Kimura découvre le détournement de fonds qui a permis l'achat du kimono c'est sans vergogne qu'elle séduit ce dernier qui en fait sa maîtresse attitrée. Mais le bonheur sera de courte durée pour les deux soeurs de Gion. Umekichi qui s'était installée chez Furusawa, provisoirement hébergé par un de ses anciens employés, devra admettre le départ de ce dernier décidant sans hésitation de retourner dans sa région auprès de sa femme, qui lui a obtenu un important poste de directeur dans une nouvelle usine de rayonne. Omocha, quant à elle, se retrouvera à l'hôpital, les deux jambes brisées, après avoir été brutalement précipitée d'un véhicule en marche par le désormais haineux Kimura...

>>> Sous des apparences faussement anodines voire anecdotiques, un cinglant aperçu de l'éternelle et pitoyable comédie humaine des représentations et des impostures, cruellement acerbe et quasi entomologique, à travers une oeuvre constamment dénonciatrice de l'arrogant statut de l'homme face à l'élément féminin, qu'il soit circonscrit dans la sphère familiale (l'épouse) ou positionné dans l'ailleurs des plaisirs (la geisha). Sans jamais entrer dans une vision moralisatrice voire manichéenne des rapports entre les différents personnages, en portant plutôt un regard brechtien sur les événements, Kenji Mizoguchi nous propose une splendide réflexion sur les interactions entre les schèmes de la société et le comportement perclus de la nature humaine...
© Cinéfiches.com (Jean-Claude Fischer)