Ne vous attendez pas à une reconstitution historique, c'est loin d'être le cas et Sofia Coppola ne l'a d'ailleurs jamais prétendu. Elle a choisi de recréer Versailles à travers les yeux de Marie-Antoinette, adolescente pas complètement passée à l'âge adulte. Ainsi, on y écoute du rock, on y joue un soir sur deux, on y rigole, et on s'autorise quelques petites dérives (même le roi)...
Certains diront que Sofia Coppola a profité du succès de "Virgin Suicides" (mérité) et de "Lost in Translation" pour tourner un film à gros budget et se reposer sur ses lauriers. Certes, c'est un film à gros budget. Mais la cinéaste ne s'est pas « reposée », loin de là. Sans pour autant égaler son premier film, elle nous sort en permanence des plans superbes qui illustrent en permanence l'état émotionnel de la jeune dauphine, puis reine, de France.
Les petites touches d'humour ou de caricature, qui agrémentent çà et là le film, et la présence de Kirsten Dunst, aussi parfaite (dans tous les sens du terme...) que d'habitude, ne font que le rendre plus réjouissant.
Malgré quelques scènes de jeu un peu trop à rallonge, Marie-Antoinette est un film sur une personne et non sur une époque, mais est en tout cas très réussi.   Sylvain BRUNERIE
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Tout cela est ridicule, tout cela est Versailles.
Marie-Antoinette, livrée clefs en main au sinistre royaume de France, fait ses adieux à ses premiers accompagnateurs existentiels, en distribuant de généreuses accolades à un nouvel environnement déconnecté des effusions.
Millésimée en fonction du galbe de sa gorge, "l'Autrichienne" offre des sourires d'adolescentes à des regards austères et voyeuristes, se pâmant devant des premiers pas difficiles où parmi cette nouvelle réglementation des comportements, la flatterie due à une favorite fuyant l'agonie d'un roi, montre la détermination soumise d'une future reine de France.
La cour est terne malgré la surdose de poudrage, les affinités ne peuvent surgir que de dames de compagnies, riant de visages décrépis, au seuil de la poussière, s'endormant lors de cérémonie.
Les levers matinaux sont un protocole offrant un lit consumé par l'absence d'un futur roi préférant découvrir à la chasse les premiers rayons phoebusiens. La médisance est présente à tous les repas, les rouages politiques s'imposent à l'étude d'une féminité désintéressée, préférant offrir un naturel spontané lors d'une représentation lyrique.
Une mère rappelle qu'une senteur offerte conforte une mission, pour cela il faut prendre l'initiative, le dauphin doit consommer cette blondeur pale au sourire éclatant venue du froid, visage d'une alliance apaisant pour quelques temps les appétits guerriers de deux géants européens.
En attendant l'accomplissement du grand œuvre, la belle s'éveille, place à la fête et surtout à une dépense entretenant crescendo les décibels d'un peuple grondant. Le rouge des petits fours se déguste sur des fontaines de champagnes, le beau militaire croule sous l'œillade, la belle est dans la trappe où cernes, robes noires, courbette balconnée, torches et fourches affamées se profilent à l'horizon.
Une juvénile euphorie de base se fane inexorablement devant la prolifération des interdits, le mal alimente de lui-même un jeune esprit par une matière non comprise, puis acceptée librement.
L'apaisant rose dominateur dissimule le trépas à court terme, Marie-Antoinette en se révoltant contre l'indifférence d'un lourd protocole codifié, attise une finalité récurrente, depuis la nuit des temps : la fuite devant le mort de faim.
Sans être outrageusement grisé par ce parcours historique connu de nous tous, on peut néanmoins lui attribuer l'éloge d'une bonne maîtrise, la lutte existentielle en milieu trouble nihilise blocages et scrupules, offrant l'éclosion d'un visage épanouie dans des comportements choisis.
Marie-Antoinette adopte des identités modulables en fonction d'un ressenti, femme et mère fusionnent dans des lits ou en pleine nature, en attendant les inconforts de la Conciergerie.
JIPI
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