DE L'AUTRE COTE - 2007

Titre VF DE L'AUTRE COTE
Titre VO Auf der anderen Seite
Année de réalisation 2007
Nationalité Allemagne / Turquie
Durée 2h02
Genre DRAME
Notation 17
Date de sortie en France 14/11/2007
Thème(s)
Enterrements (tous pays confondus)
Prisons (Cinéma allemand) (est et ouest)
Alcoolisme et autres beuveries (Cinéma allemand) (est et ouest)
Milieu médical (Cinéma allemand) (est et ouest)
Hippisme (tous pays confondus)
Cinéma allemand (ORIGINE)
Relations entre père et fils (Autres pays)
Homosexualité féminine (Cinéma allemand) (est et ouest)
Relations entre mère et fille(s)
Journal intime (tous pays confondus)
Prostitution (Cinéma allemand) (est et ouest)
Jeux (échecs) (tous pays confondus)
Milieu universitaire (Cinéma allemand) (est et ouest)
Cordonniers, savetiers, chausseurs et autres bottiers (tous pays confondus)
Réalisateur(s)
AKIN Fatih
Chef(s) Opérateur(s)
KLAUSMANN Rainer
Musique
SHANTEL
Renseignements complémentaires
Scénario : Fatif Akin
Distribution : Pyramide

Visa d'exploitation : 118 948

Nota :

* CANNES 2007 : * Prix du scénario et Prix du Jury œcuménique

* Grand Prix de l'Union de la critique de cinéma

* Prix HUMANUM 2007 de l'UPCB / UBFP - Union de la presse cinématographique belge

* FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM " RIVERRUN " 2008 : * Prix du meilleur film
Acteurs
YESILCAY Nurgül
DAVRAK Baki
KURTIZ Tuncel
SCHYGULLA Hanna
ZIOLKOWSKA Patrycia
KÖSE Nursel
RUDOLPH Lars
THIEL Andreas
Résumé

Fatih Akin. Retenez bien ce nom ! Voilà un metteur en scène allemand, d’origine turque, né à Hambourg (25/08/1973) sur lequel il va falloir compter dans les prochaines années. Premier long métrage en 1998 "L’engrenage" -drame de la délinquance- : première récompense internationale (Léopard de Bronze à Locarno). En 2000, bifurcation vers la comédie sentimentale avec "Julie en juillet". 2002 : "Solino " : enfance, émigration et cinéma, une émouvante comédie à caractère autobiographique. 2003 : le choc "Head-on" : une oeuvre époustouflante, deux comédiens détonants. 2005 : un documentaire musical tourné à Istanbul : "Crossing the bridge". Aujourd’hui à l’affiche : "De l’autre coté", second opus d’une trilogie sur l’amour, la mort et le mal, pour une réalisation magnifique et dense s’articulant aussi, selon un triptyque imparable...

1) La mort de Yeter : malgré la ferme et pourtant cordiale désapprobation de son fils Nejat, sympathique professeur de littérature allemande en faculté, le taciturne et plutôt rugueux Ali Aksu, veuf quinquagénaire d'origine turque, vivant à Brême dans le nord de l'Allemagne, est bien décidé à se mettre en ménage avec une avenante prostituée prénommée Yeter qui, menacée par quelques fâchés et fâcheux intégristes, veut résolument quitter le milieu et le trottoir. La mort "accidentelle" de cette dernière, (après une violente claque avinée de son nouveau compagnon) qui envoyait la majeure partie des revenues de son charnel commerce en Turquie, afin de contribuer aux études supérieures de sa fille Ayten, éloigne durablement le père de son fils qui se rendra dans la grande mégalopole d’Istanbul afin de retrouver les traces de la demoiselle, une opiniâtre et sagace jeune femme engagée dans un activisme politique radical, en lutte contre le pouvoir étatique de son pays. Ce qu’il ignore encore, c’est que la remuante Ayten, traquée par l'efficace police stanbouliote, a quitté le pays pour se rendre furtivement en Allemagne, à la recherche de sa mère, censée travailler comme vendeuse dans un magasin de chaussures du centre-ville...


2) La mort de Lotte : En effet, Ayten, obligée de sortir rapidement du pays, après avoir récupéré fortuitement une arme à feu ( qu’elle dissimule sur la terrasse d’un anonyme immeuble de la grande mégalopole) lors d'une manifestation pour la libération du leader kurde Abdullah Öcalan, arrive sous un faux nom à Hambourg. A l’université, où elle cherche un hébergement, une collation, après une rageuse dispute avec des compatriotes qui devaient la prendre en charge, elle fait la connaissance de la pétulante Charlotte Staub, alias Lotte. En un rien de temps, une tendre complicité s’installe entre les deux filles, malgré une légère désapprobation de Susanne, la mère de Charlotte, un peu préoccupée de l'engagement politique de la belle égérie. Un inopiné et nocturne contrôle de police provoque le renvoi d’Ayten en Turquie et son emprisonnement immédiat dès son rapatriement. Lors d’une visite en prison, Charlotte qui a rejoint Istanbul pour être proche de sa bien-aimée, est sollicitée discrètement par cette dernière pour récupérer le fameux pistolet. L'imprévu et délinquant vol de son sac à main contenant l’arme fatidique, par quelques gamins des rues, se terminera brutalement dans un sordide terrain vague...


3) De l’autre côté : profondément blessé par le violent comportement machiste de son paternel qui écope en passant d'une conséquente peine de prison, Nejat rejoint en Turquie la famille de Yeter, pour le tragique enterrement de cette dernière, mais aussi pour tenter de retrouver sa fille dont tout le monde est sans nouvelle. Affichettes multiples près des lieux de passage, nombreux placards disséminés dans les quartiers de la ville, rien n'y fait. Parallèlement, il trouve un emploi opportun comme gérant d’une petite librairie germanique, tenue par un Allemand pure souche et désirant vivement retourner au pays (Heimweh und Sehnsucht) et se retrouve, par une étrange coïncidence à loger provisoirement Lotte en recherche d'un hébergement, dans la cruelle attente de l'incertaine libération de son amie turque incarcérée. Après le meurtre de la jeune fille, il fera tout naturellement connaissance avec Susanne, sa mère, venue sur les derniers lieux de vie de son enfant, se recueillir et proposer, dans la mesure de son possible, un indispensable soutien à Ayten toujours en prison...

>>> On songe, bien sûr, aux éternelles et pathétiques tragédies de l'Antiquité gréco-romaine où l’homme n'est qu'un indicible fétu de paille ballotté par un destin qu’il ne maîtrise jamais. Pire peut-être, dont il ne soupçonne, ne devine, ne connaît, ne comprend jamais les effarants et madrés rouages, en pantin dérisoire et merveilleux qu’un destin impassible et arrogant bouscule et malmène imperturbablement. Agencée avec une rare subtilité en précises boucles concentriques qui se rapprochent sans jamais se rencontrer, cette oeuvre majeure de Fatih Akin s’inscrit admirablement dans tout un courant de pensée déterministe et romantique, que la littérature orientale et plus largement la pensée turque énoncent dans le terme fataliste de "kismet" (fatum). En effet, c'est avec une mauvaise volonté évidente qu'un destin triomphant et négatif empêche ces six personnages en quête identitaire de se (re)trouver; à peine quelques croisements insoupçonnées, alors que tous les lieux s’y prêtaient et que tous les élans affectifs pouvaient y contribuer. Et pourtant, un film rasséréné, dénotant une indéniable maturité chez son fougueux metteur en scène, dont la dramaturgie dépasse de loin l'espace étriqué des frontières, des cultures et des générations, vers une possible et nécessaire compassion (Nejat et Susanne, Susanne et Ayten) une évidente réconciliation (Nejat et son père), dans une large proximité communautaire. C'est avec un plaisir toujours présent que nous avons revu cette œuvre bouleversante lors d'une précieuse rétrospective consacrée à l'actrice Hanna Schygulla durant le festival International du Film de La Rochelle 2014, avec en prime cinq étonnantes créations de la comédienne en vidéo, jamais diffusées dans l'hexagone !
© Cinéfiches.com (Jean-Claude Fischer)

Bibliographie
- Fiche de Monsieur Cinéma
- Positif numéros 557/558 et 561
- Annuel du Cinéma 2008
- Ciné-Feuilles numéros 548/549
Critiques (Public)
15/20 : Pâlichonne, cette image du fils attendant face à la mer dans un silence à couper au couteau... Après le flamboyant "Head on" (dont j'avais trouvé les deux acteurs principaux archi-crédibles, très attachants), j'avoue rester sur ma faim... La fulgurante emballée lesbienne de ce film, trop partie de rien et juste bien jouée sans plus, n'a rien à voir avec le suspense hétérosexuel suivi de l'apothéose du précédent. Ici, c'est davantage la mère survivante, jouée par Hanna Schygulla, qui va rester gravée en mémoire, sa sagesse d'ancienne éprise de l'Inde y est pour beaucoup... Le point fort résiderait dans les allusions politiques : la question européenne, la revendication d'égalité des citoyens, avec insistance sur l'éducation pour tous, voilà bien ce que tout Européen moyen peut intégrer, du fait de la mondialisation qui conduit au travail de sape de ces droits élémentaires pour les moins nantis, dont les rangs grossissent... Manquerait quand même le distinguo entre Kurdes et Turcs pour avoir une vue complète, (et peut-être aussi le point de vue d'habitants de Turquie sur ce film ?...). Les allers-retours abondent entre Brême et Istambul, parfois on ne sait plus très bien où on est car intrigués par la tournure des événements... C'est toutefois difficile de saisir l'enjeu véritable, tout est effleuré, approximatif, on devine dans sa globalité, plus qu'on ne cerne dans le détail, que la toile de fond est l'amour de la Turquie pour elle-même. Avec volonté de fraternité appuyée (ce fils voulant payer les études d'Ayten pour racheter la faute paternelle, la mère sortie de ses larmes sans même une crise de rage contre celle qui a causé la perte filiale, aide et pardon au premier plan...). Ce que le cinéaste vit aussi lui-même dans son tiraillement entre Allemagne et Turquie, et qu'il illustre dans une trilogie dont "Head on" est le premier volet, "l'amour", celui-ci étant "la mort"... Et pour finir, tous ces cabossés se mettraient ou essaieraient de se mettre ensemble... Alors là, j'avoue avoir eu du mal à croire en la durée de pareil aménagement vu le peu de passion ambiante (principal reproche que je continue à faire au film), toutefois, je mets une bonne note car la générosité reste louable en l'occurrence... L.Ventriloque