Sally Tisiga, une Indienne d'origine kaska (une des huit tribus établies dans l'actuel Yukon, territoire du nord canadien) évoque, avec émotion et force, la dramatique histoire de ses vingt premières années, pareille à tant d'autres, qui furent saccagées par les stupides et racistes lois d'intégration canadiennes. En effet, c'est à l'âge de quatre ans, en octobre 1964, qu'une voiture de gendarmerie est venue au domicile familial pour emmener la petite fille dans un de ces nombreux pensionnats religieux qui devaient éduquer "ces enfants sauvages et païens" aux normes "civilisées" du Canada florissant. Véritable kidnapping étatique pour vider les réserves indiennes de leurs spécificités linguistiques et culturelles en "(re)formatant" les enfants aux règles et principes gouvernementaux. Sally nous raconte, sans haine ni pathos excessif, son profond déracinement affectif, ballottée entre "cinq familles, quatre provinces, un territoire et vingt-six maisons différentes" dans ce qui peut être assimilé à une véritable déportation, enrubannée dans l'idée faussement réformatrice d'une intégration sociale, alors même que la résultante ne visait qu'à la lente désintégration d'un peuple. Et cela, toujours avec la sainte conviction du goupillon, missionnaires en epectase, voilettes et burettes en extase, on éduque et "eunuque" ces rouges mécréants animistes et vils.

>>> Une oeuvre documentaire essentielle sur la fréquente, voire constante démarche eugéniste du pouvoir blanc, que ce soit au Canada, en Afrique du Sud ou en Australie, pour qui l'autochtone n'a d'existence propre que soumis, décervelé, éradiqué. Au 19e siècle, un bon Indien était un Indien mort, au 21e siècle, un bon Indien est un Indien intégré, ce qui revient strictement à la même chose...
© Cinéfiches.com (Jean-Claude Fischer)