Munie d'un petit mot de son père, qui s'est suicidé, victime de la maladie et du chômage, à destination de son oncle, la jeune et innocente Sumiko Nakamura se rend à Niida, chez ce dernier, susceptible de s'occuper de son avenir et de son éducation. En fait la pauvre nièce se fait éhontément exploiter, contrainte aux moult travaux ménagers quotidiens, spoliée de son maigre pécule, obligée de manger les restes et finalement vendue au propriétaire d'un cirque ambulant où elle deviendra la cible apeurée d'un spectacle de lancers de coutelas. Alors que la révolte gronde parmi les employés et les baladins, elle prend la fuite en compagnie d'un jeune orphelin prénommé Shintaro avec lequel elle avait sympathisé, mais dont elle perdra rapidement la trace, après que le gamin ait été renversé par une voiture. Une dizaine de mois plus tard, confiée par les services judiciaires à un foyer privé où elle côtoie des vieilles personnes et des vagabonds, elle est remarquée par un conseiller départemental qui l'engage comme bonne et servante, emploi dont elle sera renvoyée pour ne pas avoir correctement enlevé les quelques arêtes d'un poisson destiné à la fille du potentat local. On la découvre quelques années après au service d'un maître de biwa (luth à manche court) lourdement libidineux qu'elle quittera pour rejoindre Shintaro, miraculeusement retrouvé, avec lequel elle s'installera en couple, enfin heureuse. Un bonheur de courte durée, le contrat du garçon dans un théâtre de la région, n'ayant pas été renouvelé. Elle et son compagnon décident de se noyer dans la mer proche. Par miracle, elle réchappe à la mort et se retrouve accueillie à la "maison des anges" un institut d'obédience chrétienne, avec une directrice obsédée par la moralité qui l'obligera à confesser ses péchés en public. Séquence manquante remplacée par des cartons d'inserts : dans un salutaire mouvement de colère et de révolte, Sumiko dénonce les faux semblants et les hypocrisies de la religion et sombre dans la folie en mettant le feu au bâtiment...
>>> D'une noirceur rarement égalée au cinéma, cette œuvre japonaise en partie mutilée, dénonce avec une insidieuse et solide conscience morale toute l'injustice sociale d'un monde inégalitaire dans lequel une outrageante et opulente richesse alliée à une scandaleuse pauvreté du cœur s'affiche et se pavane face à l'indigence et la détresse des laissés-pour-compte. Nous sommes en présence d'un somptueux mélodrame traversé de part en part d'un puissant nihilisme généralisé, ferment de rage et de haine.
© Cinéfiches.com (Jean-Claude Fischer)
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