Massena, une petite ville quelconque des States en bordure de la frontière canadienne. Les conditions climatiques, mais aussi économiques, sont particulièrement rudes pour Ray Eddy, la quarantaine et le moral bien sonnés, depuis que son mari, récurrent joueur à l'addiction fort prononcée, s'est volatilisé avec les économies de la famille, sans un mot superflu, avec sa voiture, à nouveau habité par les voraces démons du jeu. Et cet argent fait désormais cruellement défaut, pour subvenir aux besoins des deux mômes, Ricky cinq ans et Versailles quatorze ans, mais aussi pour payer l'ultime traite qui aurait permis d'acquérir enfin le presque confortable mobile home tant espéré. Et ce n'est pas sur une éventuelle augmentation de la maigre paye que lui vaut son étriqué travail à mi-temps de magasinière dans un commerce local ou sur une hypothétique prime de Noël, qu'il faut espérer. C'est un peu pour cela aussi qu'elle finira, plus contrainte que complice, par accepter la proposition d'une autre paumée de la région, la taciturne et boulotte Lila, une jeune Indienne Mohawk, désemparée par d'autres galères (son bébé a été confiée d'office à sa belle-mère) de faire traverser la frontière proche, en douce et en voiture, des immigrés clandestins transbahutés de nuit, dans le coffre de son véhicule; en fait d'anonymes et lointains étrangers, Chinois ou Pakistanais, proies faciles pour les esclavagistes modernes de tous bords. Entre ses deux femmes que tout sépare (l'âge, la culture, la race, la méfiance) réunies pourtant par cette désespérante et magnifique rage de survivre, contre les perfides aléas de l'infortune, se mettra en place une sourde et lourde proximité "maternelle", d'une chaleureuse humanité profonde et silencieuse, sans tapage inutile ni propos superflus, respirant une muette gratitude et une véritable compassion, toutes deux inextinguibles...
- Télérama numéro 3078 (Semaine du 10/01 au 16/01/2009)
- Le Monde du 07 janvier 2009
- Libération du 7 janvier 2009
- Annuel du Cinéma 2010
- La Canard Enchaîné du 7 janvier 2009
- Fiche de Monsieur Cinéma
- Cahiers du Cinéma numéro 641
Critiques (Public)
16/20 : Il flotte une grande tendresse sous-jacente dans ce film grelottant, catalogué "thriller" plus par le fait de cette rivière gelée à franchir, que par les sueurs froides habituelles, et ce malgré la présence d'une arme à feu. Quel bled ingrat au solstice d'hiver, seul rayon de soleil dans ces contrées, les petits humains ! L'actrice principale porte tout le film avec son désir d'un Noël convenable malgré la fuite paternelle, consommer est ici crucial (possible quand même de se poser la question du choix de ce compagnon accro aux jeux d'argent, car tout oscille autour de la possession matérielle, ne vivent plus que pour consommer)... La jeune Indienne dans sa caravane porte sur les nerfs un bon bout de temps, on est loin des clichés angélistes sur les réserves d'antan... A déplorer, quelques longueurs toutefois... Le discours inviterait, de prime abord, à s'arranger des dégâts collatéraux d'une mondialisation du tout économique, du style "si ce n'est pas toi qui claque c'est moi"... Fort heureusement, c'est racheté par un sursaut de générosité universel, qui fait qu'on adhère ensuite à la démonstration ! Sera palpitant en dvd !
L.Ventriloque