Ancien de la Guerre de Corée, d'où il n'a pas seulement ramené une prestigieuse médaille militaire, mais aussi des tombereaux d'amertume et de culpabilité, Walt Kowalski vit dans un quartier ouvrier de la grande mégalopole de Détroit où viennent emménager de plus en plus souvent des émigrés asiatiques, dans de vieilles maisons déglinguées, depuis longtemps désertées par une population blanche s'esquivant vers le centre-ville. Notre bonhomme quant à lui est resté, obstinément fidèle à ses racines, aux souvenirs de son ancien boulot de travailleur à la chaîne pour les usines automobiles Ford et à ses encombrants préjugés balourds et racistes. Et c'est pourquoi il entrevoit d'un fort mauvais oeil, le jour même de l'enterrement de son épouse adorée Dorothy, l'emménagement d'une tribu de "faces de citron" dans la maison contiguë à la sienne. En fait, une famille de la vaste communauté Hmong venue aux States, à la fin de la guerre du Vietnam durant laquelle elle s'était engagée corps et âme du côté yankee. Vivant désormais dans une arrogante et fière solitude, à des miles d'indifférence de son fils Mitch, dont le quotidien et les enfants lui paraissaient des ectoplasmes d'aberration et de médiocrité, Walt Kowalski se contente de la silencieuse complicité de sa chienne Daisy et des souvenirs lustrés de sa splendide voiture ancienne, une impressionnante Ford Gran Torino 1972. Aussi, lorsque les nouveaux voisins ou le père Janovich tentent de lui marquer leur sollicitude, le revêche et grommelant énergumène trouve toujours un moyen de se défiler, de refuser, de garder ses pesantes et rassurantes distances. Il suffira de bien peu de choses, d'un peu de compassion ravivée au regard d'une médiocre agression, d'une discrète fêlure dans la mollassonne cuirasse des quiètes certitudes, d'une main tendue et prise, pour qu'il soit à nouveau fait table rase des canailles préjugés et des pusillanimes retranchements...
- Le Monde du 25 février 2009
- Fiche de Monsieur Cinéma
- Annuel du Cinéma 2010
- Télérama numéro 3085 (semaine du 28/02 au 06/03/2009)
- Cahiers du Cinéma numéro 642
Critiques (Public)
19/20 : Il donnerait envie de chiquer, tellement on n'est pas à ça près avec Clint Eastwood... Beaucoup d'autodérision délibérée, ça fait du bien par les temps que nous traversons, où bientôt dire "un juif" ou "un noir" sera insultant ! Walt, natif cabossé plus à l'aise avec sa douce chienne Daisy qu'avec ses propres enfants ou petits-enfants, souhaite qu'on lui foute la paix depuis son veuvage récent, sauf que la communauté asiatique est majoritaire dans le quartier, pavillons à touche-touche, plus tous ces gangs de jeunes en recherche de sensations... Si on est poli et bien lisse, qu'on ne rit pas du tout de ces aversions spontanées, on peut s'en tenir au cabotinage eastwoodien testamentaire et croire tout plié dès les premiers plans... Ce serait escamoter cette distance que le cinéaste prend avec lui-même pour entraîner vers des observations sur l'art de transmettre dans nos sociétés cosmopolites... Un humour grinçant, mais qui fait respirer... Les prises de vue semblent sortir du sol, on croirait notre homme mort, allongé caméra à la main, en train de servir ses observations. Ici cinéaste autant qu'acteur : un faciès de pittbull grommelant, l'oeil aigu du vieux fauve marquant son époque... Il a bien noté le penchant humain primitif, asticoter autrui, surtout s'il est calme, indépendant, ou encore appuyer les faiblesses plus par rapacité que charité... Le cigare mâchonné s'est changé en une chique crachée en larges salves brunes. Seule la voix, révélatrice des séquelles globales, va faiblissant, prête à l'extinction. Qu'importe, il a beau faire dans la malséance, dans le masochisme aussi, le bonhomme est presque plus fringant à 78 ans qu'à 60. Ce film rebat les principales cartes qu'il a jouées, le cow-boy, le flic implacable, le flegmatique irrésistible : une tôle dure abritant un palpitant qui l'est beaucoup moins. L.Ventriloque
Clint incarne un vieil homme, bourru mais gentil, drôle dans son auto-dérision, raciste dans ses propos bien plus que dans ses actes, vétéran de la guerre de Corée vivant en décalage avec sa planète. Jusqu’à ce que sans le vouloir, il ne puisse s’empêcher de se mêler de la vie de ses voisins ...
Eastwood traite avec finesse des thèmes à la fois actuels et tristement intemporels que sont l’intolérance et la violence. De la générosité aussi.
L’ensemble est très bien mené : rôles superbement investis, psychologie des personnages complexe et réaliste ...
Au delà de l'histoire, une réflexion sociale et morale à laquelle chacun peut librement confronter ses valeurs.
Un ensemble particulièrement réussi à tous points de vue, émouvant et juste, qui vaut absolument d’être vu 18/20 : TY
Œuvre d'un conformisme rare. Le vieil Eastwood nous fait un film tellement caricatural qu'il en devient comique. De plus, sa mise en scène accumule les plans faciles. Définitivement surestimé.
Tout est caricatural dans ce film (ou alors ?) : le pépé bougon raciste, les gentils Hmong aux traditions préservées, le communautarisme (encore que là ?), le curé de paroisse, jusqu'à l'usage de l'injure raciale comme moyen d'affrontement ou de sociabilisation et d'intégration. Pourtant, en ce qui me concerne, j'ai passé un très bon moment de cinéma.