Ancien greffier-enquêteur au tribunal de Buenos Aires, aujourd'hui à la retraite, Benjamin Esposito tente depuis quelques mois d'écrire un récit littéraire sur une douloureuse affaire judiciaire qui, vingt-cinq années auparavant, avait profondément bouleversé son existence. En effet, appelé à faire les habituels constats d'usage, accompagné de quelques agents de la police criminelle, du meurtre précédé de viol d'une jeune femme de vingt-trois ans, une certaine Liliana Coloto, notre fonctionnaire judiciaire, fort perturbé par cette odieux méfait, se fait un point d'honneur de retrouver le mystérieux coupable. C'est ainsi qu'il parvient à disculper rapidement deux maçons accusés à tort du crime et, grâce à des photos prêtées par le fiancé de la victime, Ricardo Morales, irrémédiablement traumatisé par ce consternant décès et ne rêvant plus que d'irrépressible vengeance, il va orienter les recherches et les soupçons sur un certain Isidoro Gomez, passionné de football, ancienne relation amicale et scolaire de la défunte qui sera finalement arrêté après quelques notables péripéties. Grâce à la judicieuse et subtile collaboration de sa supérieure, la délicieuse Irene Menendez Hastings, dont il est fortement amoureux, et contre toutes les procédures légales, Benjamin Esposito parviendra à faire avouer le vaniteux et benêt personnage de l'ignoble forfait qui sera condamné à la réclusion à perpétuité. Affaire classée. Pourtant quelle n'est pas la stupéfaction, une année plus tard, pour notre fonctionnaire, d'apercevoir le scélérat, lors d'un vague reportage télévisé, durant une manifestation politique, libre et faraud, ayant été élargi par le pouvoir exécutif en place (la junte militaire) qui utilisait fréquemment des condamnés de droit commun et des criminels pour étayer leurs répressives milices. Bientôt de graves et mortelles menaces se précisent dont sera victime un innocent collègue...
16/20 : Oeuvre projetée en clôture du Vingtième Festival hispanique nantais (2010). Le regard en dit long dans ce va et vient entre l'Argentine meurtrie de 2001 et celle, asphyxiante au centuple, de 1974, soit la fin du gouvernement d'Isabel Peron, sinistrement précurseur, avec ses morts suspectes, des affres commises par la Junte Militaire jusqu'en 1983 suite au Coup d'Etat de 1976. Gouvernement à tendance terroriste, donc, lors du meurtre dont il est question ici : sont mis en scène des "gens ordinaires dans un film noir" selon le réalisateur Juan Jose Campanella. L'occasion d'un savant parallèle entre un fait divers jamais digéré et des amours lancinantes car nées en milieu professionnel. Deux drames intimes avec Ricardo Darin et Soledad Villamil : le duo aide à tenir, leurs longues oeillades permettant "d'encaisser la pression". Cadavre obsédant d'une jeune institutrice revenant en flash-back, mari à l'affût devenant équivoque, greffière poussant deux hommes à la fois dans leurs retranchements : on demanderait grâce sans l'humour, sans le sursaut qui finit par boucler une fuite éperdue en attendant que débarque une nouvelle stupeur... Fraîcheur et cynisme entremêlés culminent avec ce collègue sacrifié. L'issue surprend par cette justice d'ordinaire fantasmée, une formule permettant le deuil au bout du tunnel... On peut déplorer la forme de l'ensemble, un peu empesée, mais force est d'admettre que le fond, lui, est des plus audacieux.
L.Ventriloque
17/20 : Un film qui mêle avec subtilité et intelligence une intrigue policière et une "affaire" d'amour, toutes deux non réellement élucidées, et que le protagoniste principal, arrivé en fin de carrière, veut écrire, éclairer de mots, pour s'en libérer enfin. Un film qui secoue aussi, par la justesse des scènes et des sentiments, par le miroir qu'il nous tend sur les dits et non dits, les croisées du destin, les choix individuels, la capacité de l'homme à vivre avec ses émotions non abouties ... Le tout dans un contexte historique qui lui aussi mérite le détour. Bref : un film à voir !   TY