Dans la Catalogne profonde, celle des forêts, des superstitions et des rancoeurs, un gamin de dix ans, prénommé Andreu, découvre le cadavre d'un villageois et de son fils, précipités du haut d'une falaise, pour une raison encore inconnue, par un mystérieux encagoulé qui pour le garçonnet ne peut être que le fantôme vengeur d'un certain Pitorliua hantant la région et les esprits, depuis quelques années. Même si la fratricide guerre d'Espagne (1936-1939) est désormais achevée, les tensions, règlements de comptes et autres délations restent de mise et tout ce qui respire ou transpire le républicain ou le communiste, est relégué au ban de la société, du village, de la considération. Alors que Farriol, le père du garçonnet, décide de fuir en France, le gamin est envoyé chez sa grand-mère, dans un autre bourg, où il fera connaissance avec l'hypocrisie, la rouerie et la traîtrise des adultes. Quelques semaines plus tard, alors que le paternel est arrêté et qu'il risque le garrot, l'épouse demande l'assistance des Manubens, une riche famille locale qui possède toute la région, pour intercéder dans l'inique décision d'une peine de mort imminente. Rien n'y fera et Andreu acceptera sans sourciller d'être adopté par les nantis propriétaires, reniant sa mère, sans regret...
18/20 : Merveilleux grâce au mot de la fin. Les premières prises de vue sidèrent, de cruauté, de beauté, d'adresse technique : comment filme-t-on un cheval dans une posture aussi acrobatique ? Le flou est entretenu ensuite : "qui a pu faire le coup". Inquiétant recours aux notables à double tranchant et refuge dans la nature, on frôle le fantastique, déjà résigné à un obscurantisme toujours croissant. Et pourtant, impossible de détourner son attention de ce petit avec ses grands yeux observateurs qui commandent d'engranger pour après. "Mourir pour des idées"... Agusti Villaronga décrit le conditionnement familial par petites touches certes un peu longuettes, pour conduire au mouvement du coeur irrépressible. Liens du sang, attachement à la communauté, croyances idiotes, bipartisme, on ouvre les yeux sur ce qui fait avancer d'un cran au plan individuel dans un premier temps, collectif par ricochet beaucoup plus tard. A notre époque frileuse sur ces questions (du moins officiellement), c'est bienvenu. L.Ventriloque