Aurora, une respectable octogénaire lisboète, dépressive et fantasque, pleine de tempérament et de tentations pour les jeux de hasard, vient encore de perdre quelque argent, dans le coutumier casino local, sur un coup de tête, un vague rêve simiesque, au grand désappointement de Santa, sa grincheuse et pourtant attentionnée employée de maison d'origine africaine. Les deux femmes ont comme voisine de palier la compatissante et généreuse Pilar, d'une profonde bonté oecuménique, baignée de religiosité et d'abnégation, qui ne manque pas une occasion d'apporter son aide ou son conseil avisé, désintéressé. Pourtant inexorablement la santé de la vieille dame périclite, nécessitant une urgente hospitalisation durant laquelle sa conscience s'amenuise, s'enfonçant peu à peu dans un morbide délire saurien, avec comme pressante demande souvent réitérée, de revoir absolument, avant de mourir, le dénommé Ventura, censé habiter la capitale, comme elle. A son enterrement, ce dernier va progressivement dévoiler tout un pan inconnu de l'histoire de la défunte qui dans le passé, vivait en Afrique, au Mozambique, quelque part au pied du mont Tabou. Fille d'un riche entrepreneur et chasseresse experte, la demoiselle s'est mariée avec un homme de son rang, bon vivant et joyeux fêtard qui s'était lié d'amitié avec un certain Mario, efficace crooner de l'époque, qui dans son petit orchestre avait comme batteur le dénommé Ventura qui va rapidement se sentir fort attiré, avec réciprocité, par Aurora, depuis peu enceinte. Une irrésistible attraction qui provoquera finalement la fuite du couple illégitime, en jeep et en perdition affective...
- Le Canard Enchaîné du 05 décembre 2012
- Positif numéro 622
- Libération du 05 décembre 2012
- Cahiers du Cinéma numéro 684
Critiques (Public)
Beaucoup d'esbroufe et d'inconséquence dans ce film qui s'apparente, pour moi, en dépit de quelques évidentes qualités, à une laborieuse escroquerie artistique... Alors que The Artist, pur joyau ludique et bouleversant à la fois, empruntait les codes du cinéma muet et l'esthétique ancienne du noir et blanc pour en extraire, sans jamais les enfreindre, la quintessence et leur rendre, en même temps, leur populaire universalité, Tabou, beaucoup plus prétentieusement référencé (il vaut mieux revoir Murnau pour les images ou Out of Africa pour le romanesque!), ne joue pas pleinement le jeu et s'enlise dans l'artificieuse gratuité. On s'ennuie vite à écouter la pesante voix off monocorde qui parasite la deuxième partie du film, faute de cartons et de dialogues. Et des questions se superposent à notre agacement grandissant: pourquoi des lèvres muettes dans un monde partiellement sonore, des chansons inscrites dans l'action sans musique de film (pourtant indissociable de tout "silent movie"!), un noir et blanc inadapté aux années 50-60 et peu travaillé (donnant l'impression d'une oeuvre en technicolor vue sur une vieille télévision impropre à la reproduire)? A quoi bon, enfin, une séquence de copulation certes émoustillante, mais fort peu romantique et surtout en complet décalage avec la pudeur suggestive que l'on est en droit d'attendre du désuet mode d'expression choisi? Les visages et le jeu des acteurs s'avèrent de surcroît trop modernes pour convaincre, même si certains critiques issus de l'intelligentsia de gauche ont sans doute pu inconsciemment fantasmer sur la troublante femme fatale campée,en flash-back, par Ana Moreira, quasi-sosie involontaire de Valérie Trierweiler... Quoique bipartite, ce drame apparaît de surcroît assez bancal, paradoxalement verbeux, d'une assez affligeante banalité (Madame Bovary aux colonies!)et plus risible que surréaliste (Patrice Leconte et Jean Teulé avaient oublié de fournir en crocos véritables leur Magasin des suicides!). Mais aurais-je osé briser un "Tabou" en ne l'adulant pas? Evidemment, à choisir, mieux vaut encore celui-là, vain et du moins inoffensif, que de nuisibles Intouchables!
Maxime Stintzy