En 1979, pour préparer son long métrage "Ils ne portent pas de smoking" le metteur en scène Léon Hirszman s'est rendu à Santo André, Sao Bernardo et Sao Caetano pour y suivre le puissant mouvement de grève qui débutait dans les trois villes précitées formant la puissante topographie industrielle de l'ABC. Profondément motivé par les événements politiques du moment, il décida de produire ce documentaire qui resta cependant inachevé jusqu'à sa mort survenue en 1987. Pour terminer le film en 1989, il a fallu restaurer quelques images en raison de la disparition d'une partie des négatifs. Les employeurs des grands consortiums automobiles, tels Chrysler, Ford ou Volkswagen, avaient refusé obstinément de négocier avec les métallurgistes et c'est le 14 mars 1979, à la veille de l'arrivée du général Figueiredo à la présidence de la République, que le pole des trois villes de l'ABC, considéré comme le plus grand centre industriel d'Amérique Latine, entre en grève, devant les propositions patronales jugées trop timorées. Bientôt la foule des ouvriers en arrêt de travail se présente comme fort imposante (entre 60.000 et 90.000 personnes) nécessitant l'ouverture d'un stade de football pour un meeting. Rapidement, le Tribunal Régional du Travail déclare illégale la grève et envoie en riposte plus de mille policiers, des cavaliers, des chiens, les militaires et les blindés. C'est aussi l'émergence politique de Lula, tourneur mécanique en 1969, premier secrétaire du syndicat en 1972 et son président, sept ans plus tard, qui parviendra à faire voter la reprise du travail en attendant une mise à plat des revendications salariales et avec à la clé la menace d'une nouvelle grève. Composé principalement de la population des favelas environnants, l'ensemble des ouvriers les plus pauvres, vivant dans une lourde promiscuité, dans d'insalubres baraquements sans eau ni électricité, acceptera finalement après 40 heures de pourparlers, une augmentation de 73%, inférieure à celle exigée au départ...

>>> Entre efficace et signifiant documentaire historique sur une période charnière du syndicalisme ouvrier brésilien et pertinente vision d'un cinéma politique majeur, une oeuvre rare et bienvenue qui honore le travail im(pertinent) du réalisateur...
© Cinéfiches.com (Jean-Claude Fischer)