MISS ZOMBIE - 2013

Titre VF MISS ZOMBIE
Titre VO Miss zombie
Année de réalisation 2013
Nationalité Japon
Durée 1h25
Genre HORREUR
Notation
Date de sortie en France
Thème(s)
Cinéma japonais (ORIGINE)
Morts-vivants (Autres pays)
Festival du Film Fantastique de Gérardmer (Grand Prix)
Réalisateur(s)
TANAKA Hiroyuki
Chef(s) Opérateur(s)
SÔMA Daisuke
Musique
Renseignements complémentaires
Scénario : Hiroyuki Tanaka

Nota :

- Grand Prix Festival de Gérardmer 2014 .....
Acteurs
KOMATSU Ayaka
TOGASHI Makoto
TEZUKA Toru
SERIZAWA Okito
SURUGA Tarô
YAMAUCHI Takaya
OHNISHI Riku
Résumé
"Un médecin aisé, sa femme et leur fils reçoivent un jour une mystérieuse cage avec, à l’intérieur, paisiblement assise, une morte-vivante. Elle est accompagnée d’une note d’instructions précisant "ne pas lui donner de viande – peut devenir violente" et d’un pistolet au cas où la créature s’en prendrait aux humains. Frottant et nettoyant sans relâche, Miss Zombie devient la servante docile de cette maison, entraînant au sein de la famille une succession d’événements malheureux et inattendus, causés par la fascination qu’elle exerce sur le jeune fils comme par l’attirance que le père éprouve pour elle" .....

                                                                                    (d'après le matériel de presse)
Bibliographie
Critiques (Public)
On ne pourra s’empêcher de maudire cette chancelante Miss Zombie d’avoir ravi le Grand Prix du dernier Festival du Film Fantastique de Gérardmer à son ténébreux rival de carton découpé, l’Australien Mister Babadook qui, en guise de juste compensation, rafla presque tout par ailleurs (à savoir les Prix du Public, de la Critique, du Jury Jeunes et du Jury Longs Métrages, ex aequo avec le Hongkongais Rigor Mortis). L’honnêteté exige néanmoins que nous lui reconnaissions, en dépit de sa lenteur appuyée, de son comique hélas parfois involontaire et surtout de son calamiteux effondrement final, une singulière audace assortie d’indéniables qualités, aussi bien formelles que conceptuelles.
Relativisons d’emblée l’apparente originalité du propos et la pleine pertinence de son développement, sinon la portée sociale ou tout simplement humaine de ses cruelles résonances qui l’apparenteraient presque, sur le mode de la fable fantastique, au drame vécu (et cette année "oscarisé") de 12 Years a Slave, signé feu Solomon Northup et Steve McQueen. Devenue zombie, une jolie jeune mariée enceinte (comme en témoigne sa photo d’avant, l’unique bien auquel elle s’accroche) a été incarcérée par un trafiquant et livrée gracieusement avec son mode d’emploi, en guise de boniche, à un riche médecin, son épouse oisive et son petit garçon, mornes occupants d’une villa d’architecte aseptisée dans un Japon rural et hostile. D’abord réticents et presque aussi inquiets que leurs voisins vite alertés ("ne pas lui donner de viande – peut devenir violente", stipule la brochure "Soins et entretien"), ces maîtres esclavagistes d’un nouveau genre ne vont guère tarder à user, puis abuser de leur étrange cadeau, docile et mutique échantillon défraîchi de "Lumpenproletariat" nippon, par chance (ou pas ?) plus mort que vivant. Semblable service avait déjà été proposé à Gérardmer en 2007 par le cadavérique majordome éponyme de Fido, alors Prix du Jury ex aequo (avec Black Sheep, farce écolo jubilatoire du Néo-Zélandais Jonathan King), mais dans une perspective rétro-futuriste diamétralement opposée : immergé dans le cadre somptueux des fifties, le cinéaste canadien Andrew Currie y jouait la carte de l’humour noir, plutôt que de la gravité, et, loin des pulsions suicidaires de Miss Zombie, assénait une paradoxale leçon de vitalité à travers l’allègre (dé)composition du toujours vert Billy Connolly (fameux comédien – et joueur de banjo – écossais). L’intéressant dispositif cinématographique élaboré par Sabu dans son douzième long métrage génère en revanche un quasi-dénuement, à l’image fatalement hypnotique de son anti-héroïne longtemps passive dont tout nous invite cependant à flairer le statut de "bombe" potentielle, dans les deux acceptions du terme. Que le nom de Sabu n’égare point le cinéphile nostalgique pour autant : aucun rapport entre l’illustre pseudonyme d’emprunt du réalisateur autodidacte Hiroyuki Tanaka (glacial acteur aussi chez ses compatriotes Kiyoshi Kurosawa, dans Kairo, et Takashi Miike) et le prénom du défunt Dastagir (1924-1963), l’enfant-star indien en pagne du Livre de la Jungle (1942) ou du Voleur de Bagdad (1940) ! Il s’agissait ici pour le premier de prendre, jusqu’à un certain point, le contrepied des outrances en vogue au sein du cinéma d’horreur actuel. Le choix aujourd’hui peu porteur (y compris pour l’indispensable retentissement public du palmarès géromois) d’un beau noir et blanc pourrait certes passer pour un retour aux fondamentaux du genre et faire ainsi figure d’hommage à ses deux maîtres américains , le pionnier mort Victor Halperin (White Zombie et – déjà – Revolt of the Zombies, de 1932 à 1936) et le vivant modèle George A. Romero (celui de Night of the Living Dead en 1969) ; or sa radicalité se trouve en outre accrue par la totale absence de musique, la parcimonieuse économie de paroles (que paraîtront maladroitement compenser les grotesques hurlements du dernier quart d’heure), la presque complète unité de lieu et le laborieux abus de scènes répétitives aux trop infimes variations. L’excès d’austérité confine dès lors à la coquetterie, voire à l’agaçante roublardise, relevant de la manœuvre de séduction à l’envers ou de la pose esthétique auxquelles semble d’ailleurs plus subtilement finir par se prêter, malsaine, couturée et peu à peu désirable, la contagieuse Sara d’Ayaka Komatsu dont on prend soin de nous préciser que son "état de zombification" ne s’avère pas assez avancé pour présenter (sauf entorse à son si commode régime végétarien) un réel danger. L’irréparable pourtant se produira, comme chacun pouvait s’en douter – ou secrètement l’espérer – quand la mère, prostrée à son tour car bientôt supplantée auprès des siens par cette auxiliaire de vie inattendue (qui se soumet aux assauts lubriques de son époux, ressuscite et infecte à la fois son enfant tombé au fond d’un étang), lui abandonnera sur le sol, de dépit, une tranche de bœuf cru juteuse à souhait. Face à elle (mal campée a contrario par la risible Makoto Togashi) et même si sa sobre performance impressionne moins que celle, renversante, de la Tasmanienne Essie Davis dans The Babadook, la très populaire actrice et chanteuse japonaise constitue en somme le pôle d’attraction essentiel d’une fable nihiliste qui, passant quelques minutes à la couleur, vers la fin, sans motif sérieux, ne tient pas toutes ses promesses initiales et vacille davantage dans sa progression que son personnage principal. Comble d’ironie : fort mignonne à l’évidence sous son maquillage morbide, c’est en victime d’un vampire qu’Ayaka Komatsu avait percé au cinéma ; victime, sa Miss Zombie l’est à nouveau chez Sabu, mais des hommes, puis d’elle-même.
De la sortie de sa cage à son départ volontaire de la non-existence qui l’accable, nous la suivons à son rythme tout du long, marchant à petits pas chassés, le dos voûté et le menton sur la poitrine, ou frottant sans relâche ni raison le dallage de la cour, à genoux et la croupe tendue, encore mobile et bien rebondie, sous les regards concupiscents du maître et de ses deux ouvriers maçons qui tous trois en viendront à la sodomiser. Sur le chemin qui chaque soir la ramène à son obscur cabanon, nous souffrons à sa place lorsque, en principe insensible, elle se fait lapider par les garnements moqueurs des environs et planter dans l’épaule l’arme toujours différente du même jeune voyou. Image poignante du stoïcisme et de la servitude absurde, à l’instar de Chiwetel Ejiofor, son vivace alter ego noir et masculin de 12 Years a Slave, elle tient surtout lieu de nécessaire exutoire pour les vils citoyens d’un monde en déliquescence, à vrai dire plus toxiques et malades qu’elle – ces "zombies" qu’évoque précisément, au sens figuré et avec un triste dédain, l’éternel couple vampirique rêvé par le dandy Jim Jarmusch pour Only Lovers Left Alive. Les conséquences de son intrusion révélatrice au cœur d’un foyer protégé et faussement sain seront, comme dans Théorème, Boudu ou Borgman, son récent avatar horrifique, ravageuses. Irréversibles. En la singeant sans un mot sur l’estrade de l’Espace LAC, lors de la cérémonie de clôture du 21e Festival International du Film Fantastique de Gérardmer, la non moins belle et vénéneuse Roxane Mesquida (membre du Jury et muse de Quentin Dupieux) eut le mérite de nous le rappeler ; mieux encore : la troublante espièglerie d’extraire du cadre celle qui, hélas absente, seule eût peut-être mérité de partager avec Essie Davis (revenue d’Isolation, Grand Prix 2006) – telles Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux à Cannes – le trophée suprême. Maxime Stintzy

COMMENTAIRES, EN ADDITIF, SUR LE FESTIVAL
21e Festival International du Film Fantastique de Gérardmer
Mister Babadook s’invite dans les Vosges
par Maxime STINTZY

Etrange parrainage affiché que celui de l’Homme invisible dont rien, dans cette 21e édition, ne semblait devoir par ailleurs rappeler l’empreinte, sinon le taux d’hygrométrie sur la Station vosgienne (Rains !), l’absence bien tangible – du jamais vu ! – de Lionel Chouchan ou le désolant effacement partiel des jurés (« Lost » en effet, la seule Américaine Tania Raymonde et restée « A l’Intérieur », Béatrice Dalle, qui toutes deux manquèrent à l’appel). Mister No, en quelque sorte.

Et des docteurs, au demeurant, il y en eut, diversement recommandables, dans les salles de Gérardmer : du plus « bondien » d’entre eux, Charles Dance, le psychiatre fou d’un remake appuyé, mais efficace de Patrick (la B.O. d’ambiance étant prodiguée par Pino Donaggio), au plus secrètement humaniste, l’opportun Philippe Nahon, chirurgien chenu expert en greffons et en Ablations. Signe des temps : à l’instar d’un Jack au cœur de coucou suisse, double animé très burtonien de son auteur Mathias Malzieu, et d’une anorexique Taissa Farmiga (fille de Vera), prodigieux et pénétrant avatar de Carrie dans Mindscape, on dénombra de surcroît maints enfants détraqués au sein des huit longs métrages de la compétition. Tournèrent ainsi comme en une folle farandole les fillettes maltraitées de Dark Touch et de The Sacrament (l’une se venge, l’autre se sauve), les deux célestes sœurs anthropophages de We Are What We Are, leurs ténébreuses jumelles d’outre-tombe chez le Hongkongais Juno Mak, des gamins brésiliens couturés, un garçonnet japonais en manque d’attention et surtout le turbulent petit lecteur australien sans père ni repères de Mister Babadook.

Mais la dernière cuvée géromoise s’avéra également marquée par le retour en force d’un entêtant parfum d’Asie qu’exaltèrent le bel hommage au cinéaste coréen Kim Jee-woon (lauréat du Grand Prix 2004, enfin présent parmi les festivaliers) et, de façon sans doute moins appropriée, le coup double peu porteur du palmarès (nouveau Grand Prix pour une austère et trop risible Miss Zombie en noir et blanc, Prix du Jury ex-aequo pour le fourre-tout halluciné de Rigor Mortis). En n’accordant qu’une seconde demi-place à The Babadook, le Président Jan Kounen fit donc le choix, plus fantasque en somme que fantastique, de ne point adhérer pleinement, avec ses cinq jurés (Kim Chapiron, Alain Damasio, Vahina Giocante, Roxane Mesquida et Juan « Upside Down » Solanas), à l’enthousiasme fédérateur soulevé par cette pépite des antipodes auprès du public, de la critique internationale et des lycéens de Lorraine (trois trophées tout de même).

Dommage, car la magistrale première réalisation de l’ex-actrice Jennifer Kent (assistante sur Dogville et déjà multi-récompensée pour son court Monster) eût constitué la meilleure vitrine qui soit pour Gérardmer ! Il y a dans sa fable noire sur le deuil et le refoulement, plus accomplie que celle de Babycall (victorieuse en 2012) et interprétée avec une égale intensité par son propre duo mère-fils (Essie Davis et Noah Wiseman), autant d’intelligence que de sensibilité, de raisons de méditer que de frissonner. Issu d’un livre pop-up maléfique, l’obscur croque-mitaine éponyme qu’elle y dessine nous ramène en outre aux muettes silhouettes pérennes de Max Schreck et Lon Chaney. Or ces références suprêmes ne trompent pas : loin des créatures numériques interchangeables qui pullulent aujourd’hui sur nos écrans, Mister Babadook est parti pour durer.