Critique de
EF
"Un condamné à mort s’est échappé" est un film de Bresson et qui dit «film de Bresson» dit «film pas comme les autres». Celui-ci est le dernier avant le virage radical entrepris avec "Pickpocket" trois ans plus tard. C’est une œuvre parfaitement enthousiasmante. Unité de lieu (hormis la première et la dernière scène), mise en scène épurée, travail incroyable sur le son, cri pour la liberté… La mise en scène d’abord : elle est admirable en ceci qu’elle privilégie (comme cela est annoncé Bresson au début de son film) le rendu visuel du strict nécessaire. Ce rendu possède toutes les qualités que l’on connait chez le réalisateur, il n’y a pas un cadrage ou une inclinaison de caméra qui ne soit justifié(e). C’est précis et savant. C’est l’œuvre d’un maître, c’est incontestable. Le son ensuite : il a une importance considérable dans "Un condamné à mort s’est échappé". C’est lui qui donne vie aux personnages, c’est lui qui traduit l’espoir de Fontaine d’une évasion, les angoisses aussi (les coups de mitraille, le bruit de la porte qu’il tente de faire céder avec sa cuiller, le «toc toc» contre le mur pour communiquer avec son voisin, le bruit de l’eau synonyme de douche – sommaire – libératrice etc...). La narration (une voix-off austère du personnage principal) tient elle aussi de cette rigoureuse linéarité que l’on aurait tort de considérer comme ennuyeuse car elle est le gage de la véracité de l’œuvre. "Un condamné..." est un film authentiquement artistique ce qui ne l’empêche pas de conserver une grande force dans son propos. C’est l’histoire d’une quête obstinée d’un homme pour ce qu’il a de plus cher : sa liberté. A méditer et à revoir.