Le dessin animé de Jannik Hastrup évoque, de manière assez convaincante, la vie d'Hans Christian Andersen avant qu'il ne devienne un écrivain célèbre. Le thème du film a d'ailleurs sans doute été inspiré au réalisateur par un des contes de l'écrivain danois qui s'intitule tout simplement L'ombre et qui raconte comment l'ombre d'un savant finit par prendre l'ascendant sur le savant lui-même, le fait emprisonner et épouse à sa place la fille du roi. Un régal pour les psychanalystes ! Mais revenons à L'ombre d'Andersen qui ne nous épargne pas les défauts du futur conteur, sa lâcheté, son refuge dans le rêve pour s'épargner une réalité qui ne lui convient pas, sa gaucherie, son orgueil et sa prodigieuse autosatisfaction. N'a-t-il pas toujours été persuadé qu'il deviendrait un cygne ? Hastrup illustre bien le phénomène qui consiste à transformer le sordide en merveilleux, comme dans la scène, chez sa tante, où un volumineux client attire une fragile prostituée dans la pièce où s'est réfugié Andersen. Elle geint de douleur lorsqu'ils font l'amour, et le poète rassure le petit canard qui l'accompagne tout au long du film en lui disant : "Elle se plaint parce qu'elle est une princesse très sensible et qu'elle est assise sur un petit pois." Les relations du poète avec la famille Collin sont également bien notées. Louise est impitoyable, ayant rapidement identifié la nature de parasite indécrottable de leur visiteur ; son père est plus mesuré, intrigué par ce garçon qui a en lui quelque chose de pas ordinaire. L'idée du dédoublement final est également elle aussi bien venue, tant il semble bien y avoir deux Andersen fort différents l'un de l'autre qui ont cohabité dans le même homme. Et L'ombre d'Andersen nous donne finalement un portrait tout à fait recevable de l'auteur de La petite marchande d'allumettes.