Expérience cinématographique ultime qui met en scène et en abyme notre propre perdition existentielle, une invariable glissade vers le néant alentour qui vente et grouille dans les soupentes et les arrières-cours. En effet, sommes-nous tellement éloignés de ces deux personnages emblématiques de la nature humaine, avec sa récurrence quotidienne, ses insoupçonnables banalités et ses obstinées croyances, ballottés entre des besoins primaires incontournables, des activités professionnelles contraintes et des tâtonnements culturels vertigineusement limités ? Avec ses faramineux plans-séquences, dévidés jusqu'à l'extrême, dans une puissante psalmodie visuelle, hypnotique et catatonique, Bela Tarr déconstruit le monde et démasque les apparences, pour parvenir à un cinéma primaire, souverain, d'avant le regard, d'avant la narration, attestant de la vacuité de vivre et de l'inéluctable avènement d'un silence atterré et définitif, sans damnation ni rédemption. Remerciements à la 32e édition du festival "Premiers Plans" d'Angers (janvier 2020) pour une rétrospective partielle (six films) de l'œuvre du grand réalisateur hongrois, en sa présence...