SON FRERE - 2003

Titre VF SON FRERE
Titre VO
Année de réalisation 2003
Nationalité France
Durée 1h35
Genre DRAME
Notation 16
Date de sortie en France 10/09/2003
Thème(s)
Maladies incurables
Homosexualité masculine (Cinéma français)
Milieu médical (Cinéma français)
Réalisateur(s)
CHEREAU Patrice
Chef(s) Opérateur(s)
GAUTIER Eric
Musique
BADALAMENTI Angelo
Renseignements complémentaires
Scénario : Anne-Louise Trividic
et Patrice Chereau .....
d'après le roman de Philippe Besson
Distribution : Pyramide

Visa d'exploitation : 105 524
Acteurs
CARAVACA Eric
TODESCHINI Bruno
GARREL Maurice
BOUTEFEU Nathalie
FERRAN Catherine
MOYA Antoinette
JACQUES Sylvain
STEVENIN Robinson
ULYSSE Fred
BENICHOU Claudine
ROUDAUT Cathy
IAFRATE Veronique
FESSAN Sabrina
MOULIN Catherine
FACCINI Sandrine
ETIENNE Jessy
LIONI Gisele
NARAS Antoinette
CROS Christine
JAMET Stephane
MAZIT Hayatte
BATTERY Eddy
ROUSSEAU Antoine
BOULAY Remy
GAUTIER Patrick
CATTACIN Eric
POMET Gregory
ALLOUACHICHE Hichem
COLAS Thierry
GERARDIN Judith
DARESCO Nicole
MAESTRATI Yves
NOBLANC Anne
NOBLANC Lucie
GREGGORY Pascal
PETITJEAN André
GERARDIN Judith
Résumé

Thomas est atteint d'une grave maladie hémorragique dont il risque de succomber irrémédiablement dans les prochaines semaines. Il se tourne alors vers son frère Luc qu'il n'a pas vu depuis déjà quelques années et avec qui les rapports sont plutôt quelconques. Par devoir, ce dernier se rapproche de plus en plus du moribond et lentement se met en place une réelle et intense fraternité enfin retrouvée...

>>> Une oeuvre bouleversante, d'une grande simplicité scénaristique, qui montre avec rigueur et pudeur, la fin d'une vie, à travers le prisme émotionnel des proches !

Bibliographie
- Fiche de Monsieur Cinéma
- Annuel du Cinéma 2004
Critiques (Public)
Deux frères se rapprochent à l’issue de l’épreuve de la maladie. Thomas est atteint d’une maladie du sang. Toute hémorragie pourrait lui être fatale. Bruno Todeschini, impressionnant, joue ici son plus beau rôle face à un Eric Caravaca, magistral lui aussi, tout en émotion retenue. Ce nouveau film de Patrice Chéreau est éprouvant. Récompensé à Berlin d’un ours d’argent, ce réalisateur signe là son film le plus épuré et le plus audacieux.

Dans le roman éponyme de Philippe Besson (éd. Julliard), l’émotion tient beaucoup au point de vue subjectif : on croit qu’il s’agit de l’histoire personnelle de l’auteur. Cette question du point de vue s’est-elle posée lors de l’écriture du scénario ?
Je savais que c’était le problème principal à résoudre. C’est cela certainement qui m’a attiré dans le roman. Les deux frères... Comment ils se retrouvent... Comment ils se sont éloignés. Ce n’est pas dans le roman d’ailleurs, je crois. Dans le roman, ils ne s’étaient pas éloignés. C’est moi qui ai rajouté cet élément-là. Quand on fait un film, on fait la critique du roman. Il y a une chose que j’ai éliminée tout de suite, c’est l’histoire de la danoise avec qui il avait un enfant et il y a deux choses que j’ai changées parce que je n’y croyais pas. D’abord cet amour total entre les deux frères qui était déjà une fusion... Alors que je pense qu’il fallait qu’ils la trouvent... C’est esquissé dans le roman mais c’est plus fort dans le film. Ensuite le fait que ce soit le plus âgé qui meurre et non pas le plus jeune. Je trouvais cela excessivement romantique que ce soit le plus jeune. En plus, je suis parti de moi. Le roman est à la première personne et le premier scénario que j’ai écrit était aussi à la première personne : du point de vue du frère cadet. Donc je l’ai écrit du point de vue du frère cadet. Je ne sais pas écrire en frère aîné puisque je suis un frère cadet. Ce “je” du roman me convenait.

Ce film parle viscéralement au spectateur en tant qu’être de chair et de sang. C’est la grande différence avec le roman. Les descriptions cliniques s’inscrivent dans l’imagination du lecteur qui en fait ce qu’il veut, alors qu’à l’écran, elles sont montrées de façon presque documentaire. On peut avoir une réaction épidermique de rejet.
Ce n’est pas documentaire mais je ne pouvais pas faire autrement que de ne pas tricher avec la réalité. La réalité de l’hôpital s’impose d’une façon telle, les enjeux de l’hôpital - qui est un endroit où l’on soigne et un endroit où on ramène à la vie - sont des enjeux tels que je n’avais pas envie de faire de la littérature dessus. La vérité des gestes et la vérité des lieux s’imposait. Ce n’est pas documentaire mais je ne pouvais pas aller au-delà d’une certaine barrière de fiction, au-delà d‘un certain niveau de fiction. Quant à la réaction des spectateurs, je pense que c’est bien : chacun réagit très fort en voyant ce film. Je pense que c’est bien comme cela.

Vous aimez être au plus près des corps et des visages...
Les visages sont des choses extraordinaires à filmer. Je ne me lasserai jamais de filmer un visage et des regards. Ce sont des paysages incroyables. J’ai plus de mal avec les paysages. J’ai fait une tentative dans ce film tout de même, en Bretagne, pour la scène de l’hémorragie dans les marais salants avec la petite fille. Brusquement, j’ai eu envie de faire un plan archi large. Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais j’ai eu envie. J’ai pris le risque, j’ai eu l’impression vraiment de prendre un risque. Je me suis dit que si je voulais prendre cette scène de près comme d’habitude, je n’aurais pas de matériel.

Il y a la scène magistrale du rasage du corps de Bruno Todeschini avant l’intervention chirurgicale. Cela m’a fait penser à Renée Falconetti dans la Jeanne d’Arc de Dreyer qui se fait couper les cheveux en direct. Là, c’est pareil. Pour le coup, le cinéma ne peut pas tricher. Il ne peut pas y avoir de répétitions...
Il y a eu des répétitions. On a répété beaucoup la veille.

Oui, mais à un moment donné on rase vraiment !
Oui ! Et une seule fois !

Et une seule fois ! C’est peut-être pour cela que le spectateur ressent tellement d’émotion face à cette scène...
Cette scène m’a appris quelque chose de tout à fait étonnant sur le cinéma. C’est un corps qui se fait raser... L’effet émotionnel est sans commune mesure avec les moyens mis en oeuvre. Il y a deux infirmières, une tondeuse, de la mousse à raser et un rasoir jetable. C’est archi simple. En théorie, on ne fait que raser quelques poils (beaucoup en l’occurrence), mais, surtout, il y a une transformation du matériel qui est une scène triviale - d’une certaine façon incroyable - dans une scène d’émotion ou une métaphore de la souffrance de cet homme. C’est très surprenant. J’ai moi-même été surpris du résultat. La scène va bien au-delà de ce que l’on voit. Et finalement, c’est cela le cinéma. C’est d’arriver à aller au-delà de ce que l’on voit. C’est à la fois réel et en même temps, il y a un truc magique.

La façon dont vous filmez Todeschini fait qu’il évoque la figure du Christ. Est-ce que c’était voulu ou bien cela s’est-il imposé ?
L’iconographie du Christ raconte, que l’on soit croyant ou pas (je ne suis pas croyant) la souffrance de l’homme. C’est une souffrance qui a été donnée en exemple. Quand on la montre en peinture - je pense à un tableau de Holbein qui est à Bâle, ce Christ mort qui paraît-il a été peint d’après un noyé dans le Rhin - Cela fait référence absolument à la souffrance universelle de l’homme et la solitude de l’homme dans sa souffrance. Je vois bien que dans cette scène y ressemble. Je n’ai pas souhaité faire à tout prix un Christ mais je ne pouvais pas m’y opposer.

Quel est le rapport entre la maladie de Jean-Hugues Anglade dans la Reine Margot et celle de Thomas dans Son frère ?
Aucun, il s’agit de poison dans La Reine Margot.

Mais il y a cette même idée du sang qui jaillit.
Oui ! Oui ! C’est un film avec une hémorragie qui arrive à un moment donné. Disons que c’est fait par le même metteur en scène qui est fasciné par les hémorragies, par les corps qui saignent... Je ne sais pas... J’ai renoncé à aller fouiller dans mon inconscient.

                                                                                                                     Propos recueillis par Elsa Nagel

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