La vie n'est pas toujours une sinécure. Surtout vers la quarantaine, quand défilent les (vraies) interrogations existentielles et les (fausses) remises en question. C'est ce qui trouble et malmène le brave Daniel Piron, journaliste d'une émission de sécurité routière à la télévision belge qui, dans une infantile et banale régression militanto-libertaire, s'est mis en tête et en caméra de retrouver un certain Tony Sacchi, aujourd'hui rentré dans un parfait anonymat de classe et de masse. Ce dernier avait en effet, dans les lointaines années 80, pris en otages et en bagages la douzaine de passagers d'un autobus bruxellois pour d'obscures revendications anarcho-révolutionnaires qu'il voulait ardemment communiquer et faire partager aux millions de télé-spectateurs du petit écran. Reconstituer le "pur et divin" événement, après avoir retrouvé les principaux protagonistes du (faux) drame, créer une profonde catharsis libératrice en même temps qu'un brillant coup médiatique, devient l'objectif majeur de notre reporter en inquiétante et tortueuse inspiration. C'est donc accompagné de Franz un docile caméraman et d'un imbibé preneur de son (excellent Bouli Lanners) que Daniel Piron part en chasse et en reportage...
Hier soir, j'ai visionné "Cowboy" en DVD. "Cowboy" réalisé par Benoît Mariage qui est sorti en fin 2007, n'a rien à voir avec un western. C'est l'histoire de Daniel Piron, incarné par Benoît Poelvooorde, petit journaliste TV en proie à une crise existentielle. Enfermé dans une routine et un mal de vivre qui lui pèse de plus en plus lourd, il décide de se lancer dans une quête initiatique qui prend la forme d'un reportage sur un héros de son enfance, Tony Sacchi (joué par Gilbert Melki). Mais le héros de l'époque, preneur d'otages à l'esprit chevaleresque, a bien changé et est devenu un gigolo avide d'argent...et bien loin de son idéal de jeunesse. De désillusions en désillusions, notre journaliste va s'enliser dans ses rêves au même rythme que son reportage.
Sans prétention, le réalisateur belge réussit le portrait d'une génération qui a perdu ses idéaux et ne se retrouve plus dans ce que l'époque propose. Sans effets et sans rebondissement de dernière minute, Benoît Mariage parvient à rendre son film attachant. Le film permet une réflexion sur la remise en question nécessaire quand les chemins de la vie nous mènent à une impasse...et Benoît Poelvoorde excelle dans ces rôles de "looser" même pas "magnifique". J'avais vu "Les convoyeurs attendent" de ce même réalisateur avec déjà l'autre "Benoît" dans le rôle principal. Avec "Cowboy", on reste dans l'analyse sans fioriture ni paillette de ce qu'il convient d'appeler "la vie" tout simplement.Pierre Troestler